L’importance de l’économie circulaire

14.06.2022

Raphael Fasko est un spécialiste dans le domaine de l’économie circulaire et ses modèles commerciaux. Il est le principal responsable de ce sujet chez Rytec AG et agit en tant qu’expert pour Reffnet.

L’économie circulaire est-elle le « nouveau recyclage » ?

L’économie circulaire (EC) est souvent considérée comme « aller au-delà du recyclage ». Toutefois, cela ne va pas assez loin et ne rend pas justice au potentiel de l’EC. C’est pourquoi je voudrais séparer très clairement les termes. Le recyclage n’est qu’une infime partie des possibilités de l’économie circulaire.

Alors que le recyclage est généralement une méthode « End-of-Pipe » pour boucler le cycle des matériaux, l’EC implique la clôture des cycles des matériaux ET des produits. Concrètement, outre le recyclage, il s’agit de « boucler la boucle » par la réparation, la réutilisation, le partage ou la refabrication (remanufacturing). Pour assurer le succès de l’approche, l’EC doit également inclure des approches de « Beginning of Pipe » (i.e. la clôture de boucles intégrée dès la conception) et des modèles économiques tels que les modèles de service et de location. C’est la seule façon de rendre les cycles fermés économiquement attractifs. À cet égard, l’économie circulaire est un changement de paradigme et, à mon avis, elle ne peut être comprise uniquement comme l’application des principes du recyclage à de nouveaux domaines.

Quel potentiel voyez-vous dans l’économie circulaire ?

Dans la gestion des déchets, de nombreuses valeurs résiduelles d’utilisation et de matériaux sont finalement détruites. L’économie circulaire permet d’utiliser ces valeurs résiduelles plus efficacement et donc d’économiser ou de gagner de l’argent. Des modèles économiques innovants et la conception circulaire (ou éco-conception) permettent de réaliser des situations écologiques et économiques dites « gagnant-gagnant » ainsi que d’amener à de nouveaux avantages concurrentiels pour de nombreux groupes de produits. L’utilisation efficace des ressources peut ainsi devenir un modèle commercial en soi et être bénéfique à la fois pour l’économie et pour l’environnement.

Le perfectionnisme suisse associé à un design raffiné, durable, modulaire ou réparable a un avantage concurrentiel dans le domaine de l’économie circulaire. L’EC a également un grand besoin d’innovations techniques, ce qui ouvre nombre d’opportunités de marché pour les entreprises suisses.

Où voyez-vous le plus grand potentiel d’économie ?

Le domaine des enveloppes de bâtiments et des matériaux de construction présente en particulier un grand potentiel de réduction d’impact environnemental. Cependant, les longs cycles d’utilisation représentent un défi pour la réalisation de solutions en boucles fermées économiquement autonomes.

Dans le cas des biens de consommation ayant une valeur résiduelle d’utilisation élevée ou une valeur résiduelle matérielle élevée, la manière la plus simple de fermer les cycles est de recourir aux avantages économiques.

Dans le cas des équipements techniques et des biens d’équipement de l’industrie des machines, le reconditionnement (remanufacturing), en particulier, est un domaine à fort potentiel.

Quels sont actuellement les développements majeurs dans le domaine de l’économie circulaire ?

Les nouveaux modèles économiques font désormais partie intégrante de l’économie circulaire telle qu’elle existe aujourd’hui. Il existe un consensus et une compréhension autour du fait qu’un design dit « circulaire » ne peut être mise en œuvre avec succès qu’avec des modèles économiques qui y sont adaptés. Je me réjouis de ce développement !

Les nombreux nouveaux matériaux en cours de développement sont particulièrement passionnants, comme par exemple Climatex avec ses tissus partiellement biodégradables et mécaniquement démontables à l’aide d’une « vis textile».

Comment la Suisse se compare-t-elle à l’UE en ce qui concerne l’économie circulaire et quelles approches politiques seraient utiles pour sa mise en œuvre ?

L’UE a adopté un ensemble de mesures en faveur de l’économie circulaire. Cependant, il s’agit souvent de lignes directrices et de recommandations et non pas directement de lois. Les résultats de la mise en œuvre concrète devront donc encore être vus. Néanmoins, sept pays européens ont adopté des stratégies nationales d’économie circulaire très complètes. Malheureusement, la Suisse n’a pas encore atteint ce stade. Mon souhait serait qu’une stratégie exhaustive pour l’adaptation des conditions-cadres de l’économie circulaire soit mise en oeuvre. Il peut s’agir d’avantages fiscaux, de directives d’amortissement, d’obligations de déclaration, d’ajustements aux obligations de garantie ou de l’élimination d’obstacles aux nouveaux matériaux ou procédés.

Pourquoi l’économie circulaire n’est-elle aujourd’hui pas plus omniprésente ou quels sont les obstacles existants et quelles mesures peuvent être prises pour les surmonter ?

Selon moi, le principal obstacle réside dans le fait que les opportunités économiques offertes par l’économie circulaire ne sont pas encore pleinement comprises et ne peuvent être réalisées dans le modèle économique actuel. Dans le modèle de vente classique, un design dit « circulaire » n’est en effet pas très lucratif, car un design facilement réparable ne génère pas directement de revenus supplémentaires. Etant donné que le passage à des modèles de location et de service ou la mise en place de systèmes de reprise et l’utilisation de la valeur résiduelle affectent de nombreux aspects de l’entreprise, des changements d’une telle importance exigent une compréhension plus approfondie des opportunités.

Vous êtes expert Reffnet. Offrez-vous des services de conseil en EC pour les entreprises ?

Oui, nous effectuons dans le cadre de Reffnet une analyse du potentiel des modèles économiques en boucle fermée. Nous examinons à quel endroit les valeurs résiduelles s’accumulent dans les produits des entreprises pendant la phase d’utilisation et d’élimination, et qui pourraient alors être activées par des approches d’économie circulaire.

Nous considérons les structures existantes de l’entreprise, les caractéristiques spécifiques des produits et du marché afin de trouver des points de départ pragmatiques et de nouveaux modèles économiques et ainsi fermer des cycles supplémentaires de manière rentable.

Notre objectif est de trouver le « Business Case Economie circulaire » spécifique pour l’entreprise et de l’affiner jusqu’à ce qu’un pilote devienne susceptible d’être validé par la direction de l’entreprise.

Imaginez-vous dans le futur. Qu’en est-il de l’économie circulaire dans 5 ans ?

Dans cinq ans, de nombreuses industries auront compris qu’il est possible de gagner plus d’argent avec des approches de d’économie circulaire qu’avec un modèle d’économie linéaire claissique.

Dans certaines industries, la concurrence pour les meilleures solutions de d’EC aura commencé parce que les premiers pionniers auront réussi à s’établir avec succès sur le marché grâce à leurs nouveaux modèles économiques avantageux.

En outre, le consommateur sera encore plus ouvert aux modèles de location et de services. Pour de nombreux domaines d’application, il deviendra normal non seulement de louer non seulement une voiture, par exemple, mais aussi une perceuse.

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